Tous les propriétaires et éleveurs de chiens
connaissent cette maladie qui se traduit, chez les jeunes surtout, par la
formation de petites tumeurs bénignes qui siègent à la face interne des joues,
sur les gencives, le palais, la langue et parfois sur tout le pourtour de la
cavité buccale.
Les troubles provoqués par ces verrues sont de peu d'importance, et ce n'est
guère que lorsqu'elles sont abondantes qu'on observe une gêne dans la
mastication et des fermentations buccales avec odeur fétide, parfois
insupportable pour le maître. Celles qui se développent autour de la bouche
s'accompagnent fréquemment d'excoriations, elles saignent, s'infectent et
suppurent. Aussi le vétérinaire est-il fréquemment sollicité d'intervenir.
Cette intervention est pleinement justifiée, car les verrues sont des
productions de nature virulente, transmissibles en série d'un animal malade à un
animal jeune, indemne, comme l'ont montré les recherches de Faydeau et Hobday.
Chez l'homme, la nature virulente des verrues est prouvée depuis longtemps par
les travaux de Wile, de Kingerey, etc.
Pratiquement, on avait déjà remarqué que, chez des enfants ou des jeunes gens
porteurs de verrues sur la face dorsale de la main ou des doigts, on en voyait
souvent apparaître sur la face ou au coin des lèvres, dans les points où il
s'établit un frottement habituel. Les expériences précédemment exposées
expliquent cette transmission.
Revenons-en aux verrues de la bouche du chien, les seules qui nous intéressent
ici. On a le choix entre deux traitements : général et local. On a conseillé
l'administration, après le repas de midi ou à jeun, dans un peu de lait, d'une
dose de 30 centigrammes à 3 grammes de magnésie calcinée ou d'eau de chaux (1
cuillerée à café à 2 cuillerées à soupe), étendue d'un peu de lait. On a
préconisé également le bicarbonate de soude, la liqueur de Fowler, etc. ; on a
enregistré des succès et aussi des échecs.
Localement, on a recommandé l'enlèvement, avec des ciseaux courbes, des plus
grosses verrues, en une ou plusieurs séances, en évitant autant que possible de
blesser la muqueuse buccale ; puis de toucher toutes les autres, à des
intervalles de quelques jours, avec un petit tampon d'ouate fixé sur l'extrémité
d'une aiguille à tricoter ou d'un bâtonnet et trempé dans une solution d'acide
acétique, d'ammoniaque, d'acide tannique à 1 p. 100 ou de jus de citron. Ces
attouchements semblent, dans certains cas, provoquer une régression plus ou
moins rapide des papillomes, mais on enregistre aussi des échecs complets.
Il semble d'ailleurs qu'il existe une assez grande différence de gravité et de
résistance au traitement entre les verrues des jeunes chiens et celles des
vieux. D'autre part, la question de terrain intervient certainement, car on voit
parfois disparaître spontanément les verrues chez certains chiens, alors que
chez d'autres l'affection est beaucoup plus tenace et même procède par poussées
successives.
Dans le cas où les verrues buccales sont par trop nombreuses pour que
l'enlèvement aux ciseaux puisse être obtenu, on pourra recourir au procédé
élégant et scientifique préconisé par le professeur R. Moussu. Voici comment il
procède :
« Une verrue choisie parmi les plus volumineuses est sectionnée aux ciseaux et
broyée dans un mortier flambé avec environ 5 centimètres cubes de sérum
physiologique. Le produit est filtré sur gaze stérile et injecté sous la peau en
arrière du coude. Après deux ou trois jours, on voit survenir au point
d'injection un engorgement sensible qui se transforme en abcès plus ou moins
volumineux, lequel s'ouvre spontanément ou peut être ponctionné. Au cours de la
première semaine qui suit l'injection, les tumeurs ne paraissent pas se modifier
sensiblement, mais, les jours suivants, on les voit changer de couleur, celles
qui étaient rosées prendre une teinte ardoisée, se flétrir, diminuer
progressivement de volume pour tomber du douzième au quinzième jour. À ce
moment, leur surface d'implantation se présente soit sous la forme d'une tache
glabre, irrégulière, soit sous celle d'une petite élevure légèrement granuleuse
qui s'affaisse avec le temps pour disparaître après quinze ou vingt jours. »
Quel est le mode d'action de cette intervention ? Il semble bien, d'après ce que
nous avons exposé sur la nature virulente des verrues, que l'injection d'une
verrue broyée apporte à l'organisme traité un élément (antigène) qui provoque la
formation d'une substance vaccinante (anticorps), sorte de « choc » qui produit
l'immunité active et la disparition des papillomes buccaux. Il s'agirait donc
bien d'une thérapeutique nouvelle, scientifique, remarquable par sa simplicité,
sa rapidité et son efficacité, qui paraît être le procédé de choix, digne de
remplacer définitivement tous les moyens utilisés jusqu'à présent.
Nos lecteurs ne manqueront pas de se poser la question suivante : comment se
fait-il que le produit de broyage d'une verrue de l'homme, inoculé à celui-ci,
donne lieu à la formation de nouvelles verrues (Kingerey et Wile), pendant que
l'injection au chien du suc de l'une de ses verrues buccales entraîne, chez lui,
la disparition des autres papillonnes ? La seule réponse plausible ne peut être
que celle-ci : le virus des verrues de l'homme diffère par sa nature de celui
des papillomes buccaux du chien, malgré le caractère commun aux deux virus : la
contagiosité spécifique.
Nous terminerons cette causerie par quelques considérations sur la lipomatose
des chiens. On donne ce nom à la généralisation de tumeurs graisseuses appelées
lipomes. Le lipome est une tumeur indolente, molle ou pâteuse, sans changement
de la peau, unique ou multiple, généralement mobile, d'une délimitation assez
nette au toucher et d'une évolution lente. C'est, en somme, la loupe que l'on
observe chez l'homme. L'apparition de cette tumeur chez le chien, ordinairement
bénigne, inquiète toujours le propriétaire.
Les lipomes sont constatés principalement chez les chiens âgés, bien nourris ou
obèses ; ils siègent ordinairement dans le tissu conjonctif sous-cutané du cou,
du dos et des flancs, et forment des « grosseurs » plus ou moins volumineuses.
Arrivés à un certain degré de développement, ils restent souvent stationnaires
durant de longs mois, sans aucun retentissement sur la santé de l'animal. Il est
néanmoins indiqué de les faire enlever par le vétérinaire, car ils déparent le
chien ; ils ne récidivent pas après leur enlèvement chirurgical, comme ont
tendance à le faire certaines tumeurs malignes qui ne sont pas opérées dès le
début de leur apparition.
La ligature élastique ou l'ablation avec suture de la plaie consécutive sont les
procédés de choix.
Source :
http://perso.numericable.fr/mobriant/articles/1951/1951532A.htm